La zététique peut être présentée comme [...]l'art de faire la différence entre ce qui relève de la science et ce qui relève de la croyance. (Wikipédia)
Dans notre cas, nous nous intéresserons ici principalement aux biais argumentatifs qui peuvent survenir dans un débat. Il est important de savoir les repérer pour ne pas tomber dans les pièges d'argumentateurs peu scrupuleux ou pour ne pas les utiliser soi-même, c'est pourquoi je vous propose cette liste non-exhaustive de biais cognitifs répandus.
Je tiens à préciser que dans les exemples invoqués, c'est le raisonnement qui est faux, ce qui n'est pas une preuve que la conclusion soit fausse également.
Les erreurs de logique :
- La généralisation abusive : prendre un petit échantillon et en tirer une conclusion générale
- Exemple : Le SARS-CoV-2 vient de Chine, donc on ne peut pas faire confiance à ce qui vient de Chine.
- Le Non sequitur : inverser le lien logique entre deux propositions (Si A est vraie alors B est vraie, or B est vraie donc A est vraie ou Si A est vraie alors B est vraie, or A est fausse donc B est fausse)
- Exemple : Si je ne me vaccine pas, c'est parce que je connais les risques. Or mon voisin se vaccine, donc il ne connaît pas les risques.
- Remarque : Le seul lien logique conservé est : Si A est vraie alors B est vraie, or B est fausse donc A est fausse.
- Le syndrome de Galilée : donner du crédit à sa thèse en la rapprochant d'une référence lui ressemblant de manière très lointaine
- Exemple : On cherche à discréditer le professeur Raoult comme on cherchait à discréditer Galilée, pourtant il avait raison.
- L'appel à l'ignorance : prétendre que quelque chose est vrai parce qu'il n'a pas été démontré faux, ou que quelque chose est faux parce qu'il n'a pas été démontré vrai
- Exemples : Personne n'a démontré que Dieu n'existait pas, donc il existe. Personne n'a démontré que Dieu existait, donc il n'existe pas.
- L'effet atchoum : confondre antériorité et conséquence
- Exemple : Je suis tombé malade juste après mon vaccin, donc c'était à cause du vaccin.
Les attaques :
- L'argument ad personam : attaquer l'interlocuteur et non ses arguments
- Exemple : Le professeur Raoult a les cheveux gras, il ne peut pas être crédible en tant que médecin.
- Le déshonneur par association : comparer l'interlocuteur ou ses arguments à une autre personne ou situation servant à la discréditer
- Exemple : Si tu es d'accord avec Luc Montagnier, tu es aussi d'accord avec ses autres théories. Donc tu crois à la mémoire de l'eau ?
- La pente savonneuse : faire croire qu'adhérer aux opinions de la personne peut avoir de graves conséquences
- Exemple : Si on autorise le mariage entre homosexuels, pourquoi pas le mariage avec des animaux ou des enfants ?
- L'homme de paille : transférer l'argumentation de son interlocuteur sur une autre théorie, plus facile à ridiculiser ou réfuter
- Exemple : Comment pouvez-vous dire que les astres n'ont aucune influence sur nous ? La Lune a bien une influence sur les marées !
- Explication : "Les astres" sont devenus "la Lune", et "nous" est devenu "les marées"
- Le renversement de la charge de la preuve : demander à l'interlocuteur de prouver que ce qu'on affirme est faux
- Exemple : Je pense que Bill Gates a l'intention de pucer la population mondiale par l'intermédiaire de ses vaccins. Pas vous ? Prouvez-moi donc le contraire !
- Le mille-feuille argumentatif : proposer un très grand nombre d'arguments pour appuyer sa thèse, en jouant sur le fait qu'on peut facilement penser qu'au moins l'un d'entre eux est vrai, même si tous sont très faibles pris un à un
- Exemple : Et le drapeau qui flotte ? Et les ombres non parallèles ? Et les croix de cadrage ? Et les ceintures de Van Allen ? Et Stanley Kubrick ? Tout ça prouve bien qu’on n'est jamais allé sur la Lune !
- L'attaque sur la forme : attaquer son interlocuteur sur la forme plutôt que sur le fond
- Exemple : Tu fais un homme de paille dans ton argumentaire, ça ne sert donc à rien que j'écoute tes arguments.
Les travestissements :
- L'effet gigogne : poser une question ou affirmer quelque chose sur des bases qui n'ont été admises par personne
- Exemple : Le fait que l'homéopathie soigne les maladies montre bien que la mémoire de l'eau fonctionne.
- Le faux dilemme : réduire abusivement un problème à deux choix pour conduire à une conclusion forcée.
- Exemple : Mais bien sûr que l'OMS est totalement corrompue ! Vous ne pensez donc pas qu'elle soit vierge de tout soupçon ?
- L'argument d'autorité : justifier sa thèse par les opinions d'une personnalité connue et respectée
- Exemple : Si le professeur Montagnier dit que le SARS-CoV-2 a été créé à partir du VIH, il doit bien avoir raison ! Après tout, il a été prix Nobel pour la découverte du VIH.
- L'appel à la popularité : justifier sa thèse par le fait qu'un grand nombre de personnes y adhèrent
- Exemple : Des milliers de personnes utilisent l'homéopathie, ça doit bien marcher.
- L'appel à la pitié : endormir les critères d'évaluation de l'interlocuteur en lui faisant ressentir de l'empathie ou en plaidant des circonstances particulières
- Exemple : On s'acharne vraiment sur Didier Raoult, c'est normal qu'à un moment il craque et il dise des choses sans réfléchir.
- L'appel à une cause : projeter ses propres attentes et opinions sur des concepts qui soutiennent donc notre argumentation par défaut
- Exemple : Je n'ai rien contre les migrants, mais je veux avant tout protéger les valeurs de notre patrie.
Je tiens à préciser que cette liste a été en grande partie tirée du recueil du collectif Le Cortecs. Je n'ai fait que sélectionner les biais que je croisais le plus souvent, remanier parfois leur formulation et imaginer des exemples qui copient au mieux des réflexions que j'ai eu l'occasion de lire. Elle a vocation a servir de pense-bête, c'est pourquoi pour lire une liste plus complète et des exemples un peu différents qui peuvent éclaircir certains concepts, je vous invite à consulter le lien d'origine.
Image : Debate and Oratory (1909)
Commentaires
Enregistrer un commentaire